Chardon-Marie comme soutien en cas d’affections hépatiques

Peu de substances végétales ont été étudiées aussi largement que la silymarine issue du chardon-marie (Silybum marianum). De la protection antioxydante au soutien métabolique, et de l’action anti-inflammatoire aux effets antifibrotiques : la silymarine se révèle sans cesse comme un allié précieux pour le foie, même dans des situations complexes. Pour les thérapeutes et les médecins, cette substance constitue un pont entre une tradition ancestrale et la science moderne.

 

Contenu

  • Chardon-marie dans la tradition et la science : une plante hépatique polyvalente
  • Silymarine dans la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD/MASLD)
  • Mécanismes d’action de la silymarine
    • Action antioxydante : protection des cellules hépatiques
    • Effets anti-inflammatoires et antifibrotiques
    • Régulation du métabolisme du glucose et des lipides
    • Soutien de la régénération cellulaire et de la synthèse protéique
  • Silymarine dans la maladie du foie liée à l’alcool (AFLD)
  • Pertinence clinique et implications pratiques
  • Conclusion et perspectives
  • Références

Chardon-marie dans la tradition et la science : une plante hépatique polyvalente

Le chardon-marie (Silybum marianum) possède une longue tradition en phytothérapie. Les premières mentions remontent à l’époque grecque et romaine, où ses graines étaient utilisées pour les troubles digestifs et le soutien du foie et de la vésicule biliaire. Au Moyen Âge et à la Renaissance, la plante est décrite dans les herbiers européens comme un remède pour « fortifier le foie » et « purifier le sang ». Dans différentes traditions de médecine populaire, le chardon-marie reste également une référence pour les troubles de la digestion et la vitalité. Aujourd’hui, cet usage ancestral fait l’objet de recherches scientifiques modernes, centrées sur la silymarine – complexe de flavonolignanes actifs présents dans les graines de chardon-marie.

Silymarine dans la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD)

La stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD) est la manifestation hépatique de désordres métaboliques tels que l’obésité, la dyslipidémie, la résistance à l’insuline et le diabète de type 2. Depuis juillet 2023, cette affection porte un nouveau nom : Metabolic Dysfunction-Associated Steatotic Liver Disease (MASLD). Cette maladie chronique du foie a une prévalence élevée dans le monde et représente un risque sérieux pour la santé. À ce jour, il n’existe aucun médicament approuvé pour le traitement du MASLD ou de sa forme plus sévère, la stéato-hépatite non alcoolique (NASH). En revanche, les données s’accumulent concernant l’intérêt de certains nutriments pour ralentir la progression. La silymarine est reconnue pour ses propriétés hépatoprotectrices et constitue une stratégie complémentaire pertinente dans les affections hépatiques complexes.

Mécanismes d’action de la silymarine

Une revue systématique et méta-analyse récente de Li et al. (26 essais contrôlés randomisés, 2 375 patients) met en lumière divers mécanismes pharmacologiques par lesquels la silymarine exerce ses effets bénéfiques.

a) Action antioxydante : protection des cellules hépatiques

La silymarine est un antioxydant hépatotrope puissant, composé de flavonolignanes comme la silibinine A et B et le flavonoïde taxifoline. Ces composés protègent les cellules hépatiques en réduisant le stress oxydatif et la peroxydation lipidique. Ils préviennent ainsi la dysfonction mitochondriale et la lipotoxicité des hépatocytes dans le MASLD et la NASH. La silymarine stabilise aussi la perméabilité membranaire et contribue au maintien du taux de glutathion hépatique.

b) Effets anti-inflammatoires et antifibrotiques

La silymarine module des voies inflammatoires clés dans la progression de la stéatose. Elle inhibe notamment la signalisation NF-κB, réduisant la production de cytokines pro-inflammatoires (IL-2, IL-4, TNF-α, IFN-γ) dans le parenchyme hépatique. Elle influence également l’équilibre des adipokines en augmentant l’expression de l’adiponectine (protectrice, insulino-sensibilisante, anti-inflammatoire) et en diminuant celle de la résistine (liée à l’insulinorésistance et à l’inflammation). Par la downrégulation de COX-2 et la réduction de l’activation des cellules étoilées hépatiques, elle exerce un effet antifibrotique, essentiel pour ralentir la fibrose.

c) Régulation du métabolisme du glucose et des lipides

Outre son action anti-inflammatoire, la silymarine a des effets métaboliques directs. Elle améliore la sensibilité à l’insuline via la diminution de la graisse viscérale, la stimulation de la lipolyse et l’inhibition de la gluconéogenèse. Les données cliniques de la revue rapportent une baisse de l’insuline à jeun et parfois aussi du glucose et de l’HOMA-IR. La silymarine inhibe en outre la lipogenèse de novo en modulant des enzymes et facteurs de transcription comme SREBP1c, FAS et ACC1, et active l’AMPK, réduisant ainsi le stockage de lipides dans le foie.

d) Soutien de la régénération cellulaire et de la synthèse protéique

En plus de ses effets protecteurs, la silymarine favorise les processus de réparation. Elle stimule la régénération des hépatocytes et augmente la synthèse protéique, essentielle à la réparation tissulaire et au maintien de la fonction hépatique.

Silymarine dans la maladie du foie liée à l’alcool (AFLD)

Dans des études cliniques menées chez des patients atteints de cirrhose (Gillessen et al.), y compris la maladie du foie liée à l’alcool (AFLD), la silymarine a donné des résultats positifs. Une analyse a montré une réduction significative de la mortalité liée au foie, avec dans une étude une survie à 4 ans nettement supérieure (58 % contre 39 %) sous silymarine. Des taux d’enzymes hépatiques (ALT, AST) plus bas ont également été observés. Fait intéressant, chez des patients diabétiques atteints de cirrhose alcoolique, la silymarine n’a pas seulement soutenu la fonction hépatique : elle a aussi amélioré la régulation glycémique (baisse de la glycémie, de l’HbA1c et des besoins en insuline).

Pertinence clinique et implications pratiques

La méta-analyse de Li et al. montre que ces mécanismes se traduisent en effets cliniques mesurables : amélioration du profil lipidique (diminution du cholestérol total, des triglycérides et du LDL-C, augmentation du HDL-C), réduction des marqueurs de lésion hépatique (baisse de l’ALT et de l’AST) et amélioration histologique (réduction de la stéatose et des scores de stéatose hépatique). Les effets les plus importants apparaissent en phase précoce de NAFLD/MASLD, soulignant l’importance d’une intervention rapide. La silymarine est généralement bien tolérée, avec une faible incidence d’effets indésirables légers (<4 %) et aucune complication grave signalée, même à forte dose. Son usage est déconseillé pendant la grossesse et l’allaitement. En cas de traitement médicamenteux concomitant, il est recommandé de consulter un médecin ou un pharmacien afin d’écarter tout risque d’interaction.

Conclusion et perspectives

Les interventions sur le mode de vie – en particulier l’alimentation, l’activité physique et la gestion du poids – restent la première étape et la plus efficace contre la stéatose hépatique. Pour les thérapeutes et médecins accompagnant des patients aux stades précoces de NAFLD/MASLD, associer ces mesures à un soutien complémentaire peut néanmoins apporter une valeur ajoutée. Par ses effets antioxydants, anti-inflammatoires, antifibrotiques et métaboliques, la silymarine se distingue comme une option naturelle pertinente dans une stratégie intégrative. Le chardon-marie forme ainsi un pont entre la phytothérapie ancestrale et les données scientifiques modernes, offrant aux professionnels un outil étayé pour soutenir la santé du foie et freiner la progression de la maladie.

Références

  • Li, S., et al. (2024). Administration of silymarin in NAFLD/NASH: A systematic review and meta-analysis. Annals of Hepatology, 29, 101174
  • Gillessen, A., & Schmidt, H. (2020). Silymarin as Supportive Treatment in Liver Diseases: A Narrative Review. Advances in Therapy, 37(4), 1279–1301.